lundi 19 janvier 2009

Mythes entourant le poker

Ayant joué au poker passablement au cours des trois dernières années, j'ai remarqué que la plupart de ceux jouant à ce jeu voient d'un mauvais oeil la roulette et la considèrent d'emblée comme un jeu auquel il est moins possible de gagner qu'au poker. La plupart d'entre eux, lorsque je leur parle de roulette, mentionnent que ce jeu dépend du hasard. Comme si cela n'était pas le cas du poker...

Tous font mention du fait que lorsqu'on joue à la roulette, on "joue contre le casino", alors que lorsqu'on joue au poker, on "joue contre d'autres joueurs." Cela semble, à leurs yeux, plus facile de gagner contre neuf adversaires qui veulent à tout prix, et par tous les moyens, s'emparer de leurs jetons, que contre un seul, le casino, qui, coup après coup, joue de la même façon prédéterminée. Un peu comme au blackjack, le croupier doit suivre à la lettre des règles pré-établies et rigides. Lorsqu'on sait que les plus grandes qualités des maîtres du poker sont de savoir littéralement cacher leur jeu tout en variant le plus possible leur façon de jouer, pour mieux mystifier l'adversaire, on peut affirmer que poker et roulette se trouvent aux deux extrêmes du spectre de la prévisibilité. Et ce, à plusieurs niveaux.

Si l'on m'offre l'opportunité d'affronter un adversaire à quelque jeu que ce soit et que j'ai le choix entre un joueur agissant toujours de la même façon et un autre variant son jeu sans cesse, je choisirai sans hésiter le premier.

Si l'on me disait que pour gagner un montant X, je devais soit battre un adversaire seul, soit neuf adversaires (ou pire encore: 16000!), je choisirais aussi la première option.

Si l'on m'offrait un jeu duquel je peux me retirer à tout moment sans froisser quiconque et un autre où, après avoir gagné, il est délicat de se lever sans vexer ses adversaires et impossible de le faire lors de tournois, je choisirais, encore une fois, la première option.

Le fait que les joueurs de poker croient affronter "d'autres joueurs" et non pas "le casino" est, quant à lui, tout aussi erroné. Que vous jouiez en cash game ou en tournoi, le edge du casino à ce jeu est, malheureusement, bien plus désavantageux que celui que l'on peut retrouver à la roulette et à de nombreux autres jeux connus.

La plupart des établissements où l'on peut jouer au poker prennent un rake de 10% sur tout l'argent qui se retrouve dans les pots lors de cash games. Remarquez bien ici qu'il ne s'agit pas de 10% du montant que vous êtes prêt à engager en début de partie, mais bien de 10% de toutes les mises que vous placerez en cours de partie.

Si, en quelques heures de jeu, vous placez des mises totalisant, par exemple, 3000$, vous devriez avoir perdu environ 300$. Cela ne se manifestera pas aussi précisément que cela lors d'une ou deux parties données mais, à long terme, ce désavantage statistique inscrit au coeur même de ce jeu, devrait vous faire perdre 10% de tout ce que vous misez. C'est ainsi que les casinos, à ce jeu comme à tous les autres, s'enrichissent au dépend de la vaste majorité de leurs clients.

Lors de tournois, le même principe est à l'oeuvre. Que vous soyez dans un vrai casino ou sur PokerStars.com, un tournoi vous coûtant 10$ vous en coûtera en fait 11$. Un tournoi à 100$ pourra coûter en tout 110$ ou même plus.

Quant à l'aspect "hasard" du jeu de roulette dont se pressent souvent de parler mes interlocuteurs amateurs de poker, il n'est pas moins présent au poker. Que l'on soit le plus grand maître du bluff qui soit, on finira toujours par avoir besoin de bonnes cartes si l'on veut faire quoi que ce soit de valable lors d'une partie de poker.

Vous avez à peu près autant de chance d'avoir une paire de 4 dans vos mains lors d'une partie de Texas Holdem que de remporter une mise à cheval à la roulette (une mise couvrant deux numéros à l'aide d'une seule mise les chevauchant). Que vous receviez sans cesse de bonnes cartes lors d'un match de poker vous rapportera proportionnellement autant que si vos numéros sortent lors d'une joute de roulette. L'inverse est aussi vrai. Le fait d'obtenir de mauvaises cartes en grande quantité correspondrait au fait de ne pas hitter ses numéros à la roulette.

Une roulette française offrant la règle "en prison" possède un edge de seulement 1,35%. Comparé au 10% que l'on retrouve couramment au poker, cela me semble plutôt bien.

Le fait de bien connaîtres les probabilités du jeu de roulette, de réellement "pressentir" les occurences et non-occurences d'événements aux probabilités variables pour avoir joué suffisamment, pourront aider certains à être meilleur au poker en sachant comparer, littéralement mettre côte-à-à côte, les odds de la roulette et du poker, pour faire de meilleurs choix.

Et si vous tenez tant que ça à joueur au poker, il y aura toujours des dizaines de parties de cuisine ou de salon lors desquelles vous ne serez pas obligé de perdre 10% de toutes vos mises.